Seize ans après un premier passage très remarqué, Buffalo Bill est de retour en France en 1905. Son nouveau spectacle, le Buffalo Bill’s Wild West and Congress of Rough Riders of the World, repose sur une troupe encore plus imposante que la première fois[i] et démontre qu’à 59 ans il n’a pas son pareil au monde pour les attractions héroïco-foraines : outre les classiques cow-boys, indiens et autres mexicains, toutes sortes de nouveautés sont inscrites au programme, comme par exemple « les cosaques, véritables acrobates du cheval, qui chargent debout sur leur selle au triple galop, les arabes qui s’élancent en frénétiques fantasia »[ii], les cavaliers anglais de retour du Transvaal et bien sûr les Rough Riders de Roosevelt dans une épique reconstitution de la bataille de San Juan.
Rien qu’en France, cette tournée européenne doit être présentée dans 120 villes. Elle démarre bien entendu à Paris, où le spectacle est donné d’avril à juin deux fois par jour par tous les temps sur le Champ de Mars[iii]. Une fois encore, le succès est au rendez-vous : pas moins de trois millions de spectateurs assistent aux représentations, à tel point que les directeurs des théâtres de la capitale se plaignent de ce que le colonel Cody rafle tout l’argent des parisiens[iv], un peu au fond comme s’il attaquait quotidiennement la diligence.
Une partie des installations sur le Champ de Mars au printemps 1905 (on aperçoit l'Arc de Triomphe à l'horizon sur la gauche) |
Le projet un temps caressé par Ted Sullivan en 1889 de constituer deux équipes qui auraient intégré la troupe n’a pas été repris. Cela aurait pourtant été une formidable occasion et nous ne pouvons que regretter que les Ligues Majeures ou Albert Goodwill Spalding ne se soient pas penchés sérieusement sur cette idée. Cela étant, il n’aurait pas été forcément très simple d’insérer une démonstration de baseball dans un spectacle équestre de 3 ou 4 heures déjà bien remplies. La troupe compte néanmoins naturellement quelques amateurs de la petite balle parmi les 800 personnes qui la composent. Jouent-ils au pied de la Tour Eiffel pour passer le temps entre deux représentations ? C’est hautement probable puisque c’est le printemps. Sachant cela, les turbulents artistes de l’American Art Association ne tiennent pas très longtemps avant de lancer un défi aux rudes gaillards de Buffalo Bill, tout heureux qu’ils sont de pouvoir se frotter à des adversaires de passage. L’invitation est bien vite acceptée et un match programmé pendant la première quinzaine du mois de mai. C’est au Bois de Boulogne, sur l’emplacement habituel, que se dispute la rencontre entre les étudiants du Quartier Latin, home team, et les cow-boys[v]. Quelle manière originale de célébrer le dixième anniversaire de la mise à disposition par le vicomte de La Rochefoucauld du terrain du Polo Club ! Même si très peu d’informations ont filtré sur cet événement, il nous semble légitime de considérer comme acquis qu’il est suivi a minima par de nombreux membres de la communauté américaine et, d’une manière ou d’une autre, qu’il marque assez fortement les esprits de quelques Français, en tout cas suffisamment pour être encore évoqué deux ans plus tard par un rédacteur du Journal de la jeunesse[vi].
Des expériences similaires ont-elles été reproduites dans une ou plusieurs des villes traversées par la troupe ? Cela n’aurait rien de particulièrement étonnant considérant par exemple que des agglomérations comme celles de Bordeaux ou Lyon avaient elles aussi leur communauté américaine.
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[i] 500 chevaux tout de même !
[ii] Le Monde artiste, avril 1905
[iii] Le Petit Parisien, 25 mai 1905.
[iv] Le rire, 20 mai 1905.
[v] « If The Artists Want Another Baseball Game Here Is Their Chance », in New York Herald (édition Paris), 13 mai 1905 ; American artists in Paris, par Elizabeth Hutton Turner, UMI Research Press, 1988, p. 50.
[vi] Le Journal de la Jeunesse, 1er juin 1907, p. 350, éditions Hachette.
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