Lorsqu’éclate en avril 1898 la guerre hispano-américaine, les observateurs avisés ne donnent pas cher des chances des États-Unis de l’emporter : L’Espagne dispose d’un vaste empire et sur le papier d’une flotte imposante et d’une armée conséquente (notamment de 200.000 hommes rien qu’à Cuba) alors que les Américains comptent moins de 30.000 hommes sous-équipés sous les drapeaux et moins de cuirassés que leurs adversaires.
À l’issue d’à peine dix semaines effectives de combats, le conflit se solde par 5.500 morts, blessés ou disparus côté américain contre 75.000 (dont 379 officiers et 2 généraux) côté espagnol. Là où les uns parlent de « splendid little war », les autres évoquent piteusement le « desastre del 98 ». En signant en décembre 1898 le traité de Paris, l'Espagne cède aux États-Unis les Philippines, Porto Rico, Guam et reconnait l'indépendance de Cuba. Quelques mois plus tard, les États-Unis annexent Hawaï. Ce qui restait encore de l’empire colonial espagnol s’effondre et les États-Unis s’affirment soudainement comme une nation aux ambitions de premier ordre.
L’un des principaux faits d’armes de cette guerre est indéniablement la prise des collines de San Juan près de Santiago de Cuba en juillet 1898, où les volontaires du régiment des Rough Riders, commandé par l’énergique colonel Theodore Roosevelt (voir l'article Au berceau de l'olympisme), chargent et emportent une position stratégique pour le contrôle du reste de l’île. Parmi ces Rough Riders, il y a des cowboys, des ranchers et un grand nombre de jeunes étudiants de college, qui à défaut d’une rigoureuse formation militaire sont à tout le moins rompus aux exercices physiques de toutes sortes.
Que retient-on en France de ces événements ? Au-delà du constat de l’effondrement de l’empire espagnol et de l’émergence d’une nouvelle puissance potentielle, on s’interroge de manière plus anecdotique sur les raisons de la victoire américaine. Deux jours à peine après la chute de Manille en août 1898, la revue « La vie au grand air »[i] fait paraître sur quatre colonnes un article de Lewis Ford [ii] sur les règles et les origines du baseball, dans lequel celui-ci fait référence à Albert Goodwill Spalding, « le célèbre joueur et le grand arbitre », présenté comme le sauveur du baseball jusqu’alors gangréné par les paris. Ford conclue son exposé par ces mots au sujet de ses compatriotes :
« Et voilà sûrement ce qui a contribué à faire de ces hommes un peuple fort et homogène. On connaît le célèbre mot de Wellington, après Waterloo. On lui demandait à quoi il attribuait sa victoire ; il répondit simplement : « Aux champs de cricket de l’Angleterre. » Demain peut-être un Miles ou un Meritt, au soir d’une victoire, pourra montrer ses troupes fraîches et dire que leur victoire appartient aux champs de base-ball de l’Amérique ».Le message à destination des lecteurs français est fort clair : la pratique du baseball par ses jeunes gens est la garantie pour une nation de sa supériorité militaire. À bon entendeur.
***
[i] “Base Ball”, in La Vie au Grand Air, 15 août 18 98, n°10, p. 117 et 118.
[ii] Un Américain vivant en France.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.