Le New York Times nous apprend en août 1895 qu’un certain Alfred William, dit Al, Lawson projette de se rendre en Europe à la tête du Boston Baseball Club, aussi appelé Boston Beaneaters - autrement dit non pas les actuels Boston Red Sox mais les Atlanta Braves. L’équipe est censée donner des matchs exhibition en Angleterre tout d’abord (à Liverpool, Derby, Middlesbrough, Stockton, Newcastle, Cleveland et Londres), puis en France, à Paris[i].
Bizarrement, une consultation des états de service officiels d’Al Lawson dans les ligues majeures ne révèle pas grand’ chose. Ou plutôt si, mais en négatif : Il fait ses débuts le 13 mai 1890 pour les Boston Beaneaters et tire sa révérence à peine deux semaines plus tard, le 2 juin, avec les Pittsburgh Alleghenys (qui deviendront plus tard les fameux Pirates). En tout, trois petits matchs – dont un seul pour Boston - à l’âge de 21 ans et un bilan vraiment pas glorieux : sur le monticule une ERA de 6.63, 14 ER, 27 hits concédés pour 3 défaites, et à l’attaque 3 strikeouts pour 6 at bat et une moyenne de .000. Ensuite de quoi, il joue vaguement jusqu’en 1895 dans des ligues de moindre importance. Rien de bien impressionnant.
Alfred William Lawson |
En réalité, le projet de faire jouer les Boston Beaneaters à Paris ne verra jamais le jour car ce gamin de 26 ans qu’est Lawson ne dispose pas des énormes moyens financiers d’un Spalding et n’a pas davantage le carnet d’adresses et les relations d’un Ted Sullivan. Lawson est en fait, au choix, un filou qui n’en est pas à son coup d’essai ou un doux rêveur[ii]. En guise de Beaneaters, il monte de toutes pièces une équipe en prétendant que ses joueurs sont des étudiants de Harvard, Yale ou Princeton. La plupart cacheront leur réelle identité derrière des noms d’emprunt. Lawson lui-même jouera sous le nom d’Anderson et se fera passer pour un étudiant de l’Université du Michigan. Prévenues de la tournée, la National Baseball Association of England et la London Baseball Association programment pas moins de vingt-cinq matchs. Malgré cela, le manque d’intérêt des Britanniques pour ce sport et particulièrement pour cette étrange équipe transforme rapidement l’opération en véritable désastre. Faute de recettes, la pitoyable tournée de Lawson finit assez mal : il laisse ses joueurs sans ressources en Angleterre et se réfugie temporairement à Paris avant de regagner discrètement les Etats-Unis. Non, décidément, il n’y aura pas de sitôt de nouvelle équipe professionnelle à Paris.
Tout au long de sa vie, Lawson sera manager de baseball (il fondera l’Union Professional League, qui vivra un mois avant de disparaître à jamais), pionnier de l’aviation puis ingénieur en aéronautique (ses aéronefs ne voleront jamais), écrivain scientifique (il développera ses propres théories dans le domaine de la physique), économiste (il fondera à Des Moines l’université de Lawsonomy qui connaîtra assez vite des problèmes financiers), et enfin… prophète (il prétendra avoir découvert comment vivre jusqu’à 200 ans et s'éteindra finalement à l’âge de 85 ans).
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[i] “Boston Ball Club To Go Abroad”, in The New York Times, 7 août 1895.
[ii] Lire à ce sujet “Baseball Fiends and Flying Machines: The Many Lives and Outrageous Times of George and Alfred Lawson”, de Jerry Kuntz, McFarland & Company Incorporated Publishers, 2009.
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