A 50 ans[i], Albert Goodwill Spalding jouit d’une très solide réputation. Ses indéniables qualités de dirigeant et de meneur d’hommes, parfois décrites comme empreintes de « conservatisme intelligent »[ii], lui ont valu de devenir le premier Président élu du United States Olympic Committee (U.S.O.C.)[iii]. Au moment de désigner le Director General of Sports qui prendra la tête de la délégation américaine aux Jeux de Paris, c’est fort logiquement vers lui que se tourne le Président des Etats-Unis William McKinley Jr. Aussi après de rapides noces célébrées le 23 juin en Californie[iv], c’est accompagné de sa seconde épouse - son amour de jeunesse Elizabeth Mayer - qu’il retraverse les Etats-Unis d’ouest en est et prend un transatlantique à destination de l’Europe. Spalding arrive à Paris début juillet, après les festivités que nous avons évoquées, et y reste jusqu’à fin octobre[v]. Sa présence en France à l’occasion de ces Jeux n’est bien évidemment pas étrangère à la réussite de l’édition 1900 du championnat de baseball.
Un pin de la délégation américaine. |
Cette mission est une occasion rêvée pour lui de prêcher pour ses paroisses : quand il ne supervise pas les activités des athlètes américains, il met tout en œuvre pour essayer de convaincre ses interlocuteurs de l’intérêt et des vertus du baseball[vi]. Sa principale cible est naturellement de Coubertin, dont il avait fait la connaissance en mars 1889, et à qui il veut faire inscrire ce sport au programme des Jeux de 1904 alors censés se tenir à Chicago. Dans le même temps, il s’occupe de l’exposition des équipements de sport que produit son groupe, et qui remportent le Grand Prix, ce qui lui donne la possibilité d’orchestrer leur adoption comme équipement officiel pour les prochains Jeux. Parfaite démonstration du système Spalding ! Depuis des années, sa société d’édition publie des guides et des recueils de règles sur différents sports, ce qui lui permet d’une part d’influencer sur certaines pratiques et la nature même de ces disciplines sportives, et d’autre part d’accroître la visibilité de ses produits au travers de la publicité et, par conséquent, d’en tirer les profits[vii].
Bien entendu, en sa qualité de chef, c’est lui qui tient la plume du rédacteur du rapport de la délégation Américaine ; il n’est donc guère étonnant dans ces conditions qu’il soit en contradiction avec le rapport officiel et mentionne la compétition de baseball. A-t-il fourni l’équipement des équipes ? A en juger par les jerseys brodés U.S. des Guards, il n’est pas interdit de l’envisager, mais alors nous serions légitimement en droit de nous demander si l’équipe de baseball des Etats-Unis devait être constituée de ces joueurs de college ou bien d’autres. Spalding a-t-il usé de ses relations pour bénéficier du stade olympique et faire jouer dans son enceinte une compétition considérée comme non officielle ? C’est tout-à-fait probable étant donné son influence et sa volonté d’imposer a minima une démonstration. Sa présence en tant que Director General of Sports explique-t-elle les centaines de spectateurs ayant assisté aux matchs ? C’est la plus simple des explications, d’autant que la délégation contient alors plus d’une centaine d’athlètes, sans compter les très nombreux accompagnateurs.
Bien entendu, en sa qualité de chef, c’est lui qui tient la plume du rédacteur du rapport de la délégation Américaine ; il n’est donc guère étonnant dans ces conditions qu’il soit en contradiction avec le rapport officiel et mentionne la compétition de baseball. A-t-il fourni l’équipement des équipes ? A en juger par les jerseys brodés U.S. des Guards, il n’est pas interdit de l’envisager, mais alors nous serions légitimement en droit de nous demander si l’équipe de baseball des Etats-Unis devait être constituée de ces joueurs de college ou bien d’autres. Spalding a-t-il usé de ses relations pour bénéficier du stade olympique et faire jouer dans son enceinte une compétition considérée comme non officielle ? C’est tout-à-fait probable étant donné son influence et sa volonté d’imposer a minima une démonstration. Sa présence en tant que Director General of Sports explique-t-elle les centaines de spectateurs ayant assisté aux matchs ? C’est la plus simple des explications, d’autant que la délégation contient alors plus d’une centaine d’athlètes, sans compter les très nombreux accompagnateurs.
Vue aérienne du stade olympique. |
Cette édition des Jeux constitue un record à bien des égards et notamment celui du nombre des participants, qui s’élèvent à plus de 58.000 de 30 pays différents, pour la durée (du 14 mai au 28 octobre) et pour le nombre de disciplines pratiquées (34). Lors de cette compétition sans précédent dans l’histoire, les Etats-Unis remportent un total de 47 médailles mais sont encore à la deuxième position derrière la France. Le principal artisan du succès des athlètes américains est sans aucun doute Spalding. En reconnaissance des efforts accomplis pour avoir fait venir jusqu’à Paris une si importante délégation d’athlètes Américains et de son travail extraordinaire dans le domaine du sport, le gouvernement Français lui décerne la Légion d’Honneur. A moins qu’il ne s’agisse d’une manœuvre visant à lui faire oublier les nombreux couacs dans l’organisation, qu’il n’a pas manqué de relever et de mettre sur le compte de l’inexpérience des Français dans l’organisation de manifestations de cette ampleur[viii].
Spalding sait désormais que s’il veut imposer le baseball comme sport olympique, il lui faut convaincre le Comité International Olympique mais aussi et peut-être surtout les Français.
***
[i] Il les fête à Paris le 2 septembre.
[ii] « America on Top », in Sporting Life, 1er décembre 1900, p. 9.
[ii] « America on Top », in Sporting Life, 1er décembre 1900, p. 9.
[iii] L’U.S.O.C. a été fondé en 1894. Son premier président a été le Professeur W. M. Sloane, qui était assisté de James E. Sullivan, le fondateur de l’Amateur Athletic Union. Spalding préside l’U.S.O.C. jusqu’en 1904.
[iv] « Spalding Sails For Paris », in New York Tribune, 6 juillet 1900, p. 11 ; « Spalding Weds Old Sweetheart », in The evening world, 25 juin 1900, p. 5.
[v] « Mr. Spalding Home From Europe », in New-York Tribune, 5 novembre 1900.
[vi] Spalding’s Official Base Ball Guide for 1900.
[vii] « The commercialisation of sport », par Trevor Slack, p. 189, éd. Routledge, New York 2004.
[vi] Spalding’s Official Base Ball Guide for 1900.
[vii] « The commercialisation of sport », par Trevor Slack, p. 189, éd. Routledge, New York 2004.
[viii] « Mr. Spalding Home From Europe », op. cit.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.