12 janvier 2013

Spalding, génie visionnaire

Il me semble impossible d’aborder le match exhibition de 1889 à Paris sans prendre au préalable la peine de consacrer quelques lignes d’une part à celui qui est considéré comme l’un des pères - si ce n’est le père - du baseball : Albert Goodwill Spalding, d’autre part à la tournée mondiale qui l’a mené jusqu’en France et aux conditions dans lesquelles elle a été organisée.

Joueur légendaire, capitaine d’industrie prospère, dirigeant influent, guide spirituel, génie de l’organisation, Spalding est non seulement un visionnaire mais il fait indéniablement partie de la race des leaders doués d’un charisme capable de rallier à leur cause les plus récalcitrants. Né le 2 septembre 1850 dans l’Illinois, c’est à 15 ans que Spalding se met au baseball. Ses qualités athlétiques lui valent d’être très rapidement remarqué. Il joue tout d’abord de 1866 à 1870 pour les Rockford Forest Citys de la National Association of Base Ball Players, la première organisation véritablement professionnelle, puis de 1871 à 1875 pour les Boston Red Stockings.




Albert Goodwill Spalding
En 1874, son mentor Harry Wright réussit à convaincre les actionnaires des clubs des Boston Red Stockings et des Philadelphia Athletics de laisser ces deux équipes partir en tournée en Angleterre pour y faire la démonstration de la supériorité du baseball sur le cricket. Au final, si sportivement la greffe ne prend pas[i] et si l’intérêt suscité y est quasi nul, financièrement l’opération sera franchement mauvaise. Mais qu’à cela ne tienne puisque cette première aventure fait naître dans l’esprit de Spalding des rêves d’expansion du baseball et oriente durablement ses actions futures.

En 1876, tout lui sourit. En plus de rejoindre le club des Chicago White Stockings pour lesquels il joue, manage et dont il est le secrétaire, il assiste également William Hulbert dans l’organisation de la National League. Opportuniste, il emprunte dans le même temps 800 dollars à sa mère et ouvre avec son frère Walter en mars un commerce d'articles de sport à Chicago dont la dénomination sociale est A. G. Spalding & Bros. Sa renommée en tant que lanceur[ii] et son réseau sont tels qu’il a tôt fait de fabriquer toutes les balles utilisées dans la ligue Nationale. Au fur et à mesure qu’il élimine ou rachète les quelques concurrents qui tentent de se mettre sur son chemin, il se met à produire des battes (1 million en 1887 !), des uniformes et au bout du compte tout le matériel nécessaire au jeu du baseball, mais aussi au golf, au football, au tennis, au cyclisme, à la pêche, etc.

Certificat d'action The Chicago Ball Club signé d'A. G. Spalding en 1876
A l’heure de prendre sa retraite de joueur en 1878, ses statistiques cumulées en carrière ne suscitent que des éloges. Sur le monticule, avec 253 victoires pour 63 défaites, il détient le meilleur pourcentage de victoires de toute l'histoire des Ligues majeures (ERA 2.14). Sa moyenne de .313 à la batte (327 RBI et 417 runs) atteste qu’il n’était pas qu’un lanceur mais bien un joueur complet. Son rôle dans le baseball ne fait pourtant que commencer à prendre forme : Au décès de William Hulbert en 1882, le contrôle de la ligue Nationale et des Chicago White Stockings lui échoit tout naturellement.

En 1889, force est de constater qu’avec des boutiques à Chicago, New York, Denver et Philadelphie et près d’une dizaine d’usines, le modeste commerce des frères Spalding est devenu en l’espace de quelques années le plus grand et le plus réputé groupe du marché. La fortune de Spalding est d’ores et déjà faite mais il n’en poursuit pas moins la croissance de son entreprise et sa diversification sur un rythme effréné. Il a ainsi la brillante idée de publier des ouvrages sur le sport. Il commence par éditer le premier guide officiel des règles du baseball (dans lequel il n’oublie bien sûr pas de mentionner que seules les balles fabriquées par son groupe sont autorisées en match et de manière générale de faire la publicité de tous ses produits), puis fonde notamment la fameuse série du Baseball Guide, à laquelle nous ferons souvent référence dans nos articles.

En-tête d'un certificat d'action A. G. Spalding & Bros. Inc.
L’expansion internationale du groupe Spalding débute réellement avec la tournée Australienne qu’il organise avec un soin tout particulier à partir de 1888 et conçoit avant tout comme un moyen d’accroître le rayonnement du baseball et donc sa zone d’influence personnelle. 


[i] Spalding parle de ce projet comme d’un échec dans l’édition 1890 du Spalding's Official Base Ball Guide.
[ii] Sa fiche de la saison 1876 se monte à un incroyable score de 52 victoires pour 14 défaites.

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