Nous l’avons vu précédemment, l’ascension fulgurante de Thorpe et sa chute icarienne ont été l’occasion de faire découvrir le baseball à un large public français, faisant passer assez brutalement ce sport de l’ombre à la lumière. Une fois dépassé le stade de la surprise, un très grand nombre de journalistes français s’attachent à en savoir un peu plus sur le sujet, c'est-à-dire au-delà du simple phénomène Thorpe. Ceci donne l’occasion aux lecteurs, même en province, d'apprendre deux ou trois choses fort utiles sur cette discipline en ce début d'année 1913.
Nous pouvons apprendre, par exemple, dans La Vie Sportive du Nord et du Pas-de-Calais[i] : « On sait que Thorpe, le brillant vainqueur des jeux Olympiques de Stockholm, a dernièrement perdu sa blanche hermine d’amateur, parce qu’on a découvert qu’il avait auparavant pratiqué le base-ball en professionnel. D’autre part, on essaie en ce moment d’acclimater à Paris ce sport, qui n’y avait encore été joué, qu’à de rares intervalles par des étudiants américains passionnés de leur « jeu national ». […] De tous les sports qui nous sont familiers, c’est avec notre jeu de balle des Flandres que le base-ball offre le plus d’affinités […] Le base-ball est un sport complet qui développe les jambes par la course, l’adresse par la façon de rattraper la balle, le coup d’œil pour la recevoir et l’esprit de discipline, de tactique et d’union auquel doit obéir toute l’équipe. Et dans ces conditions, nous ne devons pas nous étonner que les américains tiennent ce jeu en si haute estime ».
Illustration de l'article de La Vie Sportive du Nord et du Pas-de-Calais |
Ou bien encore avec quelques approximations, dans La Vie à la Campagne[ii] : « Le Base-Ball réclame force, agilité, adresse. [Il] peut se jouer sur n’importe quel terrain, pourvu qu’il soit plan et de la dimension d’un champ d’Association ou de Rugby », et plus loin toutes les instructions pour tracer son propre terrain : « Donnez à la home plate, qui sera en fer ou en caoutchouc blanchi, et à fleur de terre, une dimension de 30 centimètres carrés. Formez les autres bases avec des sacs de toile de 40 centimètres d’épaisseur, remplis de sciure de bois ou de toute autre matière molle, et fixez-les au sol par des courroies et des coins de bois ». Comme souvent, certains journalistes n’hésitent pas à en rajouter et à broder sur le sujet. Ainsi, dans La Tribune[iii] : « L’amusement est si connu et si répandu qu’il serait oiseux d’en faire la description ou l’éloge. On le joue en Europe, en Australie, au Japon, à Cuba même en Angleterre, le paradis du cricket et du tennis. En France, plusieurs régiments ont leurs équipes de base-ball. » Allons bon ! A part peut-être le bataillon de Joinville qui pratique a priori surtout la grande thèque et non le baseball, il est assez difficile de croire en cette affirmation.
Titre de l'article de La Vie Sportive du Nord et du Pas-de-Calais |
Bien entendu, les considérations financières attirent tout particulièrement l’attention et les commentaires : sous le titre « Le prix d’un joueur », nous pouvons ainsi lire dans Le Temps[iv] « Le New-York Herald annonce que la somme de 100,000 dollars, soit 500,000 francs, a été offerte par le club de base-ball de Washington au club de Detroit pour le transfert de Tyrus Cobb, joueur américain très populaire. Cette offre constitue un record. Le salaire actuel de Cobb est actuellement de 77,500 francs. »
Pierre Loti en tenue d'Académicien |
Pierre Loti[v] lui-même, l’Académicien chantre du rayonnement français dans le monde, y va de sa plume et décrit dans The Century Magazine[vi], plein de fascination, l’agitation et l’enthousiasme qui habitent les newyorkais lorsque les Giants jouent. Alors si même les membres de l’Académie Française se mettent à parler de baseball !
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[i] « Le célèbre sport américain est parent du jeu de balle flamand », in La Vie Sportive du Nord et du Pas-de-Calais, 22 février 1913. Article signé par « Old Player », dont l’identité reste encore à déterminer.
[ii] « Deux sports passionnants à la mode », in La Vie à la Campagne, 15 juillet 1913, vol. XIV n° 164, p. 50. Il s’agit en fait d’une reprise d’une partie de l’article de La Vie au Grand Air de 1898 dont nous avions déjà donné les références.
[iii] La Tribune, 27 juin 1913.
[iv] Le Temps, 17 août 1913, p. 5.
[v] Louis Marie Julien Viaud, dit Pierre Loti (1850-1923), écrivain français et officier de marine. Ses œuvres (telles Pêcheurs d’Islande, Le mariage de Loti ou Madame Chrysanthème) sont essentiellement des récits de voyage et lui valent d’entrer à l’Académie Française en 1891.
[vi] Cf. “Impressions Of New York, From The Point Of View Of A Barbarian From The Orient”, in The Century Magazine, n° 85, février-mars 1913.
[v] Louis Marie Julien Viaud, dit Pierre Loti (1850-1923), écrivain français et officier de marine. Ses œuvres (telles Pêcheurs d’Islande, Le mariage de Loti ou Madame Chrysanthème) sont essentiellement des récits de voyage et lui valent d’entrer à l’Académie Française en 1891.
[vi] Cf. “Impressions Of New York, From The Point Of View Of A Barbarian From The Orient”, in The Century Magazine, n° 85, février-mars 1913.
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