Prétendre que Klegin a, le premier (lire l’article au sujet de la ligue européenne), eu l’idée de faire s’affronter des équipes de baseball de différents pays d’Europe serait très largement exagéré. En réalité, ce projet est dans tous les esprits depuis fort longtemps, comme la conséquence logique du développement du baseball dans chacun des pays concernés et n’est dans tous les cas envisagé que comme la première étape à atteindre en vue de l’instauration de réelles World Series. A ce stade, en Europe, même si la Suède (lire Le rois des sports, le sport des rois) est officiellement initiée au baseball, il faut bien admettre qu’elle est par trop lointaine. L’Angleterre, en revanche, qui compte aussi une assez importante colonie américaine, dénombre de plus en plus d’amateurs de baseball et présente le grand avantage d’être relativement accessible depuis la France. Si finalement Klegin n’a pas réussi à faire venir Londres à Paris, c’est Paris qui ira à Londres !
Et par Paris, il faut naturellement entendre le Racing Club de France. Quel autre club français serait de toute façon capable de mener à bien un tel projet ? Certainement pas ces artistes bohèmes de l’American Paris Team, ni ces lycéens de l’A.B.B. Alors qu’Allan Muhr, moteur du RCF baseball, a emmené l’équipe de France de tennis à Folkestone en juillet 1912 pour l’International Lawn Tennis Challenge[i], et même les Bleus du XV de France à Twickenham dans le cadre du Tournoi des cinq nations pas plus tard que le 25 janvier 1913[ii]. Pensez donc s’il est qualifié pour monter une expédition sportive outre-Manche !
Vue de Londres et du London Bridge en 1913. |
Concrètement, comment fait-on le voyage à cette époque ? Les projets de construction d’une voie transmanche, initialement lancés par Thomé de Gamond sous le règle de Napoléon III, sont de nouveau un sujet d’actualité sensible en cet été 1913, mais le pont ou la liaison sous-marine n’existent encore que dans les rêves de quelques ingénieurs. Quiconque veut se rendre depuis Paris jusqu’à Londres n’a pas vraiment d’autre choix que de prendre le train à la gare Saint Lazare en direction de la côte, de là effectuer la traversée sur un bateau à vapeur et, une fois parvenu sur l’île, gagner la capitale par la voie terrestre. Souvenez-vous (lire Sept petits innings pour convaincre les Français ?), les Chicago White Stockings et les All-America guidés par Spalding en 1889 avaient rejoint Dieppe en train et franchi la Manche nuitamment. A condition de disposer d’un minimum d’argent et d’un peu de temps pour faire l’aller-retour, il n’y a là rien d’insurmontable.
Du temps, à moins d’être rentier, ce n’est toutefois pas ce qu’il y a de plus facile à trouver dans la mesure où les congés payés n’existent pas encore. Cependant, c’est justement ce que la fête nationale du 14 juillet offre au Racing Club de France en 1913. En partant de Paris le samedi 12 et en revenant le lundi 14, jour férié, cela laisse toute la journée du 13 juillet voie une partie de celle du 14 pour jouer. D’après les registres de la F.F.B.S., l’équipe affrontée ce weekend-là par le RCF est identifiée, comme « US Team ». C’est à peu près la seule information qui a traversé ce siècle pour nous parvenir aujourd’hui. La Fédération de Baseball de Grande-Bretagne n’a, de son côté, malheureusement pas conservé de traces de ce (ou plus probablement ces) match(s). Pourtant, selon toute vraisemblance et même s’il n’a pas marqué les mémoires, il s’agit du premier match disputé à l’étranger par une équipe française de baseball.
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Cent ans plus tard, c’est au tour du club francilien des Saints d’envoyer Matthew (Mix) Jackson à la tête de l’une de ses équipes traverser vaillamment la Manche, ce weekend de 14 juillet, pour prendre part au London Tournament 2013 organisé par les South London Pirates à Croydon. Les bateaux à vapeur ont cédé la place à l’Eurostar mais l’esprit d’aventure qui anime ces joueurs demeure intact. Go Saints!
[i] Ancien nom de l’actuelle Davis Cup. L’équipe de France, composée de Max Décugis, André Gobert et William Laurentz sinclinera face aux British Isles par une victoire contre quatre.
[ii] Match qui se solde par une victoire de l’Angleterre sur la France par 20-0. Les Bleus devront, pour enregistrer leur toute première victoire dans le Crunch, attendre 1927 (17ème match officiel entre ces deux équipes depuis 1906).
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