26 mars 2023

Tentative d’introduction au Racing Club de France

 Le Journal des Sports du 30 mars 1898[i] relaie un appel lancé par le Racing Club de France à ses membres désireux de constituer une section de baseball :

« Le Comité du Racing Club de France n’étant pas opposé à la fondation d’une section de Base Ball, les membres du RCF disposés à pratiquer ce sport sont priés de s’adresser à M. Guerra, 85, rue de la Pompe. »

L’annonce est assez étonnante de par sa formulation à la tournure négative, qui laisse entendre que la décision de fonder une telle section n’aurait peut-être pas été des plus évidentes. Deux semaines plus tard, c’est dans le journal Le Vélo[ii] que les lecteurs attentifs peuvent prendre connaissance des modalités du premier rendez-vous des intéressés, preuve s’il en est qu’un certain nombre de membres ont répondu à l’invitation lancée par Guerra :

« Les membres du Racing Club joueront demain [dimanche 17 avril] à 2h. ½ sur le terrain de la place Collanges, à Clichy-Levallois, leur première partie d’entraînement. »

L’adresse indiquée est, selon les informations recueillies auprès de l’aimable Frédéric Humbert, spécialiste du rugby, celle d’un terrain de sport occupé à cette époque par le RCF à Levallois-Perret pour les entraînements et parfois les matchs des rugbymen, situé entre le cimetière et la gare de Clichy-Levallois desservie par la compagnie des Chemins de Fer de l’Ouest depuis la gare Saint Lazare.

La première gare de Clichy-Levallois. 

Extrait d’un plan de Neuilly-sur-Seine et de Levallois-Perret de 1884. 

Cette « première partie d'entraînement » est présentée le lendemain dans le journal[iii] comme ayant été très intéressante et très disputée en dépit de tâtonnements. Il y a eu manifestement suffisamment de joueurs pour constituer deux équipes, sous le capitanat de Davis d'un côté, et de Perry de l'autre. L'article décrit ces deux-là ainsi que Walsh et Rutherford comme des « vieux de la vieille », sans que l'on sache si cela signifie qu'ils ont une longue pratique du baseball derrière eux ou s'il s'agit de membres du RCF depuis un certain temps. A contrario, Contant, Guerry et Guerra figurent apparemment parmi les nouveaux.

Que donne cette initiative au delà de ce premier match amical ? Difficile en l’état de nos connaissances de ne pas en tirer la conclusion qu’elle est un échec dans la mesure où le sujet n’est plus abordé dans la presse dans les semaines et les mois qui suivent. Il faut attendre un an et demi pour obtenir un indice glissé dans une lettre datée du 21 septembre 1899 reproduite dans Le Journal des Sports deux jours plus tard[iv] dont l’auteur est un certain Edouard Pontié (15 Décembre 1877 - 26 Novembre 1940), alors âgé de 21 ans, qui deviendra par la suite un réputé journaliste sportif et écrivain, rédacteur en chef de « La Vie illustrée » ainsi que de la revue « Armes et Sports », et l’auteur de plusieurs ouvrages sur le sport et notamment en 1905 de « Le Football Association » et « Le Foot-ball Rugby ». Pontié écrit ainsi :

« Mon cher Monsieur,

Vous avez parlé du Base-Ball dans les colonnes du Journal des Sports. Vous rappelez-vous que ce jeu intéressant fut quelque peu pratiqué en France, et par des Français, il y a cinq ou six ans. Voulez-vous me permettre de compléter mes renseignements ?

J’ai vu jouer au jardin du Luxembourg, en 1892 ou 93, des parties de Base-Ball auxquelles je me suis mêlé parfois. Elles étaient organisées par la Société Sportive du Lycée Saint-Louis, aujourd’hui disparue, et attiraient quelques scolaires de la rive gauche. Elles se disputaient sur l’emplacement entouré de cordes qu’utilise maintenant le Hockey-Club de Paris pour son entraînement.

Plus tard les footbalers [sic] du Stade Français, pendant quelques dimanches d’été, reprirent ce sport, que certains d’entre-eux avaient pratiqué au Luxembourg. Les réunions eurent lieu à Meudon, sur les pelouses de l’Observatoire, que le Stade fréquentait à ce moment-là.

De vieux unionistes doivent en avoir parfaitement conservé le souvenir.

Depuis lors, l’an passé, quelques Américains pratiquèrent leur jeu national au moment de la tentative qui fut faite au Racing Club pour y acclimater ce sport, ainsi que vous l’avez dit.

Mais le Racing a déjà tant de branches où s’exerce son activité sportive, que le Base-Ball eut à en souffrir.

Recevez, etc. »

Édouard Pontié à son bureau en 1906.

Et le journaliste de conclure son article par ces quelques mots : « Si comme il faut l’espérer le Base-Ball devient populaire les intéressants détails que contient la lettre de M. Ed. Pontié fixeront pour les journalistes sportifs, les origines de l’introduction du jeu en France. » Si les origines exactes sont encore loin d’être parfaitement établies, il est indéniable que la lettre de Pontié aura atteint un but en permettant aux générations suivantes d’y voir un peu plus clair.

***

______________________________

[i] Le Journal des Sports, 30 mars 1898.

[ii] Le Vélo, 16 avril 1898, p. 3.

[iii] Le Vélo, 18 avril 1898, p. 3.

[iv] Le Journal des Sports, 23 septembre 1899.

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