En décembre 1913, Charles Comiskey, propriétaire de l’équipe des Chicago White Sox, déclare le plus sérieusement du monde : « Dans une douzaine d’années, je serai peut-être manager de l’équipe de baseball d’une ligue internationale comprenant le Japon, la Chine, l’Angleterre, la France et la Russie »[i]. Six mois plus tôt, c’est Ban Johnson, le président de l’American League, qui affirmait que « le jeu va, dans les années à venir, devenir l’un des rares sports réellement internationaux […] Le jeu est apprécié et joué à Cuba, au Japon, en Chine, à Mexico, en Amérique du Sud, à Porto Rico, aux Philippines, en France, Australie, Suède, Allemagne et même en Angleterre »[ii]. Pour ce qui concerne la France, sa petite vingtaine d’équipes[iii] et ses quelques centaines de joueurs[iv], c’est indéniablement aller un peu vite en besogne que d’affirmer que le baseball y est joué et apprécié mais, pour une première année de pratique véritablement structurée, nous pouvons dire que le bilan est tout à fait honorable et laisse augurer d’un développement extrêmement encourageant.
Récapitulons ce qui nous est connu de cette saison, sur la base des registres fédéraux et des informations disponibles par ailleurs dans la presse de part et d’autre de l’Atlantique.
Championnat des jeunes
Le tableau ci-après appelle plusieurs remarques de notre part. La première, c’est que la première partie du printemps semble avoir été consacrée à l’apprentissage du jeu, puisqu’il n’y a pas eu a priori de matchs avant le 5 mai. La deuxième, c’est qu’il serait très étrange qu’il y ait eu une coupure entre le 22 mai et le 12 juin ; il manque probablement des pièces à notre puzzle. La troisième enfin, c’est que l’équipe constituée par le jockey Tod Sloan à Maisons-Laffitte n’y apparaît étonnamment pas.
Championnat des adultes
Lors de l’Opening Day, la première balle est lancée par le Consul Général des Etats-Unis, le capitaine Frank H. Mason[v] âgé de 75 ans, preuve s’il en est de tout l’intérêt qui est porté à cette activité par la communauté Américaine. Selon William H. Burgess[vi], chaque match de la saison donne lieu à de grands rassemblements de public culminant à 4.000 spectateurs. En tout, le Racing Club de France et l’American Paris Team s’affrontent pas moins de 10 fois entre le 13 avril et le 28 septembre, la dernière - notamment - tournant à l’avantage du RCF[vii]. L’équipe de « Français » qui bat celle des étudiants Américains et démontre par là-même l’étendue de ses progrès en si peu de temps, cela semble presque trop beau pour être vrai.
Ne perdons pas de vue enfin que le Racing Club de France et l’American Paris Team ont également profité des beaux jours pour aller faire des mini-tournées d’exhibition en Normandie et en Angleterre.
Autre
Rétrospectivement, nous ne demandons évidemment qu’à croire à cet engouement, à cette soudaine mode, à cette théorie selon laquelle le destin quasi divin du baseball est de sauver le monde et que la conquête de la France est la garantie de la réussite de ce projet. Mais à vrai dire, bien des questions se posent avant de pouvoir adhérer pleinement à la chose : Quels sont, concrètement, les moyens mis en place pour recruter, entraîner, former, installer dans la durée ? Combien de jeunes joueurs non américains sont-ils impliqués ? Spalding, Roosevelt, Burgess, Muhr et Messerly se sont certainement rencontrés mais ont-ils tous coordonné leurs efforts ? Quels rôles exacts ont joué l’Union Française de Base Ball, le Comité de Paris et l’Association de Base Ball du Lycée Condorcet ? Toutes leurs actions procèdent-elles d’un plan défini par Spalding ? Cela relève du probable tant son autorité est importante, mais rien ne permet toutefois de l’affirmer avec certitude. Il est cependant indiscutable que le baseball s’est soudainement développé et qu’en l’espace de peu de temps, les clubs de baseball de la région Parisienne ont pris de l’envergure, avec à leur pointe, le Racing Club de France, l’American Paris Team, le Spalding Athletic Club, les clubs du lycée Condorcet et de l’Ecole Pascal.
Si les années 1912-1913 ont été celles de la mise en place d’un cadre efficace, 1914 devrait être à n’en pas douter une année exceptionnelle.
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[i] « Comiskey Plans A World League », in The Milford Mail, 11 décembre 1913, p. 2.
[ii] « Will Be International Sport », in The Ogden Standard, 29 juillet 1913, City Edition de 16h, p. 2.
[iii] « Ball Teams Tour France by Motor », in The Sun, 17 août 1913, section Sporting and Automobiles, p. 3 ; voir aussi « Baseball In France », in The Bennington Evening Banner, 1er août 1913, p. 4, où l'on apprend que plusieurs clubs sportifs de toute la France demandent des informations et auraient l'intention de constituer une équipe.
[iv] Selon Spalding lui-même. Cf. « Baseball in France », in The Washington Times, 10 janvier 1914, p.12.
[v] « Opening Game In Paris », in Honolulu Star-Bulletin, 28 mai 1913, 2:30 Edition, p. 7.
[vi] « Baseball Games In France », op. cit. Voir également « Many Ball Clubs Playing In France », op. cit.
[vii] « French Ball Team Beats Americans », in The Washington Herald, 5 octobre 1913, p. 5. L’article n’indique pas nettement s’il s’agit d’une finale.
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